La physique du Ketchup et les astronautes
S’il y a un produit alimentaire populaire entre tous, c’est bien le « ketchup ». Pratiquement inconnu en Europe à la fin de la deuxième guerre mondiale cette sauce ne faisait pas partie des condiments habituels sur la table du repas familial jusque bien au début des années soixante. Tout comme de nombreux autres produits dont le Coca Cola, il fut introduit en masse par les troupes américaines présentes en Europe et son acceptation, bien que plus lente que la boisson bien connue, fut imparable au point de se convertir en un produit indispensable comme accompagnement de plats les plus divers et pour servir de base a des sauces des plus communes aujourd’hui, telle que la sauce cocktail ou la sauce barbecue.
Le Ketchup le plus connu au monde est sans aucun doute celui de la marque HEINZ, dont les spécialistes disent que c’est le meilleur du monde. Il fut mis au point par Henry J Heinz & L. Clarence Noble qui fondèrent la « Heinz & Noble Cy » en 1869. Les premières bouteilles furent commercialisées en 1876 semble t’il et ne ressemblaient pas du tout à l’actuelle. Elles furent changées très rapidement pour un modèle plus commercial, curieusement la même chose qui se passa avec la bouteille de Coca Cola !
Mais trêve d’histoire avec un grand H car pour cela existent les encyclopédies et les historiens. Ce qui nous intéresse ici c’est la bouteille. Telle que pour la bouteille classique de Coke, tout le monde ou presque connait celle de « Heinz Tomato Ketchup ». Et tout le monde est tombé dans le piège de cette maudite bouteille un jour ou l’autre.
Et c’est là que nous entrons de plein pied dans la science de la sauce tomate et de la recherche spatiale, autrement dit de la science avec un grand S. Difficile à croire ? J’en convient, pourtant, la très sérieuse NASA, rien de moins, vient de se pencher sur un problème scientifique jamais résolu, qui concerne directement le ketchup et la propriété de certains fluides d’être à la fois épais et liquides, ce qui entraine des résultats aussi surprenants qu’imprévisibles et souvent gênants.
Faisons donc l’expérience, prenons une bouteille de cette sauce et ouvrons-la. Apres avoir entendu le bruit caractéristique de l’entrée d’air, retournons la bouteille et asseyons de verser un peu de sauce sur les pommes frites : rien. Mettons la bouteille verticale et secouons là : à peine quelques goutes du précieux produit. Enervant ! Tapons sur le cul de la bouteille : quelque goutes de plus. Refermons la bouteille et secouons là : le produit se résiste. Enfin un peu de sauce se daigne à bien vouloir sortir du récipient : pas assez. Et puis tout d’un coup, patatras, c’est comme si la tomate s’était liquéfiée et la moitié de la bouteille se vide d’un coup en une avalanche de sauce inondant l’assiette de pommes frites, éclaboussant de ses gouttelettes rouges, notre chemise toute propre…
La première chose qui peut paraitre surprenante c’est que après plus de 125 ans de l’invention du produit, aucune solution raisonnable n’a pu être trouvée a ce problème de liquéfaction car tout simplement aucune explication scientifique raisonnable n’a pu être donnée…jusqu’à maintenant.
En effet, le ketchup n’est pas le seul produit qui possède cette curieuse propriété, il s’agit d’un fluide complexe tout comme la crème fraiche battue, le sang, certaines émulsions, certains plastiques ou la peinture, qui sont normalement épais comme du miel et se convertissent en liquides s’ils sont agité ou sont sujets a une vibration.
Le phénomène est relativement commun, mais les scientifiques ne savent toujours pas ce qui se passe exactement. Les chercheurs de l’institut national de standards et technologies de
Les théories actuelles ne peuvent pas prévoir le comportement de beaucoup de liquides et entre autres leur viscosité a un moment déterminé. Au grand dam des fabricants de nombreux produits industriels, car si le problème n’est en définitive pas trop grave pour le ketchup il est d’importance pour les peintures, les boues de forage pétrolier, certaines pâtes dentifrices, les revêtements monocouches pour les façades et autres applications de la construction mais aussi pour la plupart des plastiques polymères. Ce phénomène que les anglophones appellent le « shear thinning », connu chez nous comme la « thixotropie » est une propriété physique complexe que l’on retrouve dans certains fluides.
On peut la définir ainsi : un fluide est dit thixotrope si sous contrainte (ou gradient de vitesse) constante, sa viscosité évolue au cours du temps. On dit que le fluide se déstructure lorsqu'il devient liquide et inversement, qu'il se restructure lorsqu'une phase viscoélastique apparaît. La propriété physique de la thixotropie est donc: laissé au repos, le fluide thixotrope va se restructurer jusqu'à avoir l'aspect d'un solide, on dit aussi de viscosité infinie, alors que sous contrainte constante suffisamment élevée pour casser la structure formée au repos par exemple, le fluide va se déstructurer jusqu'à son état liquide, donc de faible viscosité. Les phénomènes thixotropes sont donc d'origines structurelles. Mais il ne faut pas confondre la thixotropie et la rhéofluidification. Cette dernière montre une évolution de la viscosité avec une variation de la contrainte appliquée au fluide. Le phénomène inverse s'appelle la rhéopéxie ou antithixotropie.
L’antithixotropie ou rhéopéxie est le phénomène inverse de la thixotropie. Elle se caractérise par la propriété qu’ont certains fluides de voir leur viscosité augmenter lorsqu’ils sont soumis à des actions mécaniques; la viscosité revenant à son état normal après un temps variable d’où la réversibilité de la propriété.
Cette propriété étonnante peut être expérimentée avec un mélange de farine de maïs et d’eau qui au repos sera très fluide et deviendra de plus en plus visqueux si on le bat avec vigueur, mais la sauce mayonnaise est sans aucun doute l’exemple le plus commun. Une des applications les plus connues de cette propriété est l’utilisation de substances antithixotropiques dans la fabrication de gilets pare-balles, en effet, la propriété´d’augmentation très rapide de la viscosité lorsque le produit est soumis a un mouvement mécanique violent fait que la balle ou l’éclat peuvent être arrêtés avant d’avoir transpercé le gilet.
Jusque la, nous pouvons comprendre avec plus ou moins de facilité, ce qui se passe avec notre sauce tomate, mais que vient faire
C’est très simple,
La question est de savoir ce qui se passe dans le fluide au niveau des interactions moléculaires, qui sont à la fois compliquées, pratiquement inconnues et surtout imprévisibles, vu que les théories fondamentales n’on pas été vérifiées même pour les fluides les plus élémentaires si l’on en crois le physicien Robert Berg de
L’expérience CVX-
Soumis a un cadre conjoint de pression/température et amené a son point critique, il se comporte comme un fluide thixotropique. Il prend l’apparence d’un vague brouillard, un mélange de régions avec des densités plus fortes ou plus faibles qui apparaissent et disparaissent constamment en une espèce de mousse, ce qui confère au Xénon-2 quelques unes des complexités structurelles comme celles qui apparaissent dans le sang par exemple.
L’expérience CVX-2 devait absolument se faire dans l’espace, car les fluides amenés à leur point critique se compriment facilement. Ce qui veut dire que sur terre, en raison de la gravité, ils collapsent sous leur propre poids et deviennent plus denses au fond du récipient, ce qui fausse toutes les observations. Par contre, en chute libre orbitale, ces différences disparaissent, ce qui est une condition essentielle pour réaliser une expérience de ce type.
Le Xénon-2 fut introduit dans un petit tube cylindrique muni de deux électrodes avec en son centre une petite maille de nickel pouvant vibrer dans un certain champ d’amplitudes. Cette maille devait servir à agiter les 11 ml de Xénon-2 amenés a leur point critique et en accord avec les théories, lorsqu’un objet s’agite au travers de ces gouttes, celles-ci devraient se transformer en gouttelettes et des lors opposer moins de résistance.
Le Xénon-2 fut donc amené à son point critique de température/pression et fut agité avec précaution à l’aide de la petite maille de nickel et les astronautes purent ainsi déterminer quelle était la viscosité exacte du produit. Ensuite ils définirent tous les paramètres de changement de viscosité en modifiant l’amplitude du mouvement et la température du fluide. Les résultats concordaient exactement avec les prédictions de la théorie de l’accouplement dynamique des modes, ce qui est essentiel pour élaborer de meilleures théories sur le « Shear Thinning » de fluides plus complexes.
Les résultats ont tardé plusieurs années avant d’être publiés par
Bien que l’expérience CVX-2 ne changera probablement la vie de personne, celle-ci et surtout l’exploitation commerciale des résultats est sans aucun doute une très bonne nouvelle pour tous les chercheurs et ingénieurs qui souhaitent créer des produits nouveaux et plus stables comme par exemple des huiles pour automobiles ou des plastiques liquides, mais sans aucun doute les seules limites qui restent en cette matière ne sont plus que celles de l’imagination.
Quand à savoir si la viscosité du Ketchup changera bientôt, il s’agit la d’un thème très controversé. Quand a la solution de comment vider avec facilité le fond de la bouteille de Ketchup c’est très simple : il suffit d’y verser un peu de sauce Tabasco et du Coca Cola, on secoue un peu et on dispose d’une excellente sauce barbecue qui ne pose aucun problème scientifique.
A Philippe Corvisier
Pierre Coppens -Alicante, juin 2008
Post Scriptum :
Saviez-vous que le ketchup a déjà sauvé des vies? Voici un article, publié sur cyberpresse.ca, qui raconte comment une bouteille de ketchup a déjà sauvé des vies:
-Le mardi 23 juillet 2002
Une bouteille de ketchup sauve des randonneurs
Agence France-Presse Johannesburg
Une inscription tracée sur la neige avec du ketchup a permis lundi à un guide de montagne sud-africain de sauver un groupe de 31 randonneurs bloqués par les intempéries dans les montagnes du Drakensberg (est), rapporte mardi la presse. «Cette lettre H (pour HELP, à l'aide) écrite à la sauce tomate était une excellente idée», a commenté le lieutenant Steven Lownie qui pilotait l'hélicoptère chargé de l'opération de secours.
Le guide Alan Champkins et un ami, Tod Collins, ont bravé des vents de
Les quelque 31 personnes bloquées depuis jeudi par la neige, dans le Sani Top Pub, l'auberge de montagne située à la plus haute altitude du pays, ont ainsi pu être sauvées par un Puma de l'armée de l'air sud-africaine appelé à la rescousse, rapporte le quotidien The Star.
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